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Collusion : Durcissement des peines imposées aux individus

Une décision récente de la Cour supérieure du Québec dans le dossier relatif au complot sur le prix de l’essence à la pompe démontre que les tribunaux n’hésiteront pas à punir sévèrement les individus qui contreviennent aux dispositions de la Loi sur la concurrence (Loi) afin d'envoyer un message clair et dissuasif à ceux qui seraient tentés de fausser les règles de la libre concurrence.

Contexte

À la suite d'une enquête menée par le Bureau de la concurrence, des accusations ont été portées en juin 2008 et en juillet 2010 contre 38 individus et 14 entreprises soupçonnés d’avoir fixé le prix de l'essence à la pompe dans certaines municipalités du Québec.

En novembre 2011, Monsieur Donald Darby, propriétaire de deux stations-service, a reconnu sa culpabilité relativement à des accusations criminelles de complot visant à fixer le prix de l'essence à la pompe dans la ville de Sherbrooke, au Québec. À la suite de l’enregistrement de ce plaidoyer de culpabilité, la Cour devait déterminer la peine appropriée qui devait être imposée à l’accusé. La Couronne recommandait l’imposition d'une amende de l’ordre de 7 500 $ à 10 000 $, alors que l’accusé sollicitait une absolution inconditionnelle et proposait de verser une somme minimale de 10 000 $ à une organisation caritative. L’accusé bénéficiant d’une absolution inconditionnelle est réputé ne pas avoir été condamné à l’égard de l’infraction qu’il a commise.

La détermination de la peine

Au sujet de la détermination de la peine, la Cour souligne que deux conditions sont nécessaires pour accorder une absolution inconditionnelle. D’une part, l'intérêt de I'accusé doit militer en faveur de cette absolution et, d’autre part, I'intérêt du public ne doit pas s'en trouver affecté.

Dans son analyse, la Cour rappelle qu’en matière de détermination de la peine, un accusé ne doit pas subir un châtiment qui n'a aucune mesure avec sa faute et que la notion d'intérêt public s'évalue en fonction de la gravité objective de I'infraction, de son impact dans la collectivité, par Ie besoin de dissuasion générale, ainsi que par I'importance de maintenir la confiance du public à l’égard de I'administration de la justice. En d’autres termes, plus I'infraction est grave, moins I'absolution sera une possibilité; puisque les objectifs de dénonciation et de dissuasion favoriseront une condamnation plus sévère.

Quant à la situation propre à l’accusé, la Cour note que ce dernier n’est pas l’un des instigateurs du complot et qu’il n’a pas d’antécédents judiciaires. La Cour reconnaît également que l’accusé ne présente pas de risque de récidive et, qu’en conséquence, une condamnation n'est pas nécessaire pour le dissuader de commettre d'autres infractions ou assurer sa réhabilitation. Enfin, la Cour souligne que le plaidoyer de culpabilité permet au système judiciaire d'éviter des coûts supplémentaires.

Toutefois, soulignant la nécessité de punir sévèrement les contrevenants à la Loi, la Cour refuse d’octroyer une absolution inconditionnelle et condamne l’accusé à payer personnellement une amende de 10 000 $, soit la peine maximale demandée par la Couronne. La Cour souligne également que le système judiciaire doit s'assurer que la peine imposée ne représente pas « qu'une petite tape sur les doigts ou un droit de licence » et que les amendes doivent faire « mal financièrement ».

En ce qui concerne les facteurs spécifiques à l’accusé, la Cour précise que la faible implication de ce dernier dans le complot est compensée par des facteurs aggravants, tels que la gravité objective de l’infraction, les gains financiers personnels provenant de l’exploitation de ses deux stations d’essence ainsi que le degré de sophistication et l’ampleur du complot. La Cour rejette l’argument de l’accusé selon lequel l’imposition d’une peine aurait des conséquences fâcheuses sur ses activités professionnelles.

Remarques de McCarthy Tétrault

Cette décision de la Cour supérieure démontre que les tribunaux n’hésiteront pas à punir sévèrement les individus qui participent à des crimes de nature économique. La reconnaissance du caractère grave de ce type d’infractions trouve aussi écho dans les modifications apportées à la Loi en 2009 qui ont fait passer la peine maximale d’emprisonnement pour les infractions de complot et de truquage des offres de cinq ans à 14 ans et, en conséquence, ce qui abolit la possibilité qu’une personne reconnue coupable puisse obtenir une absolution. Le projet de loi C-10 du gouvernement fédéral, qui propose d’abolir la possibilité qu’une personne reconnue coupable d’un crime grave, y compris les infractions de complot et de truquage d’offres en vertu de la Loi, puisse obtenir une sentence conditionnelle, va dans le même sens. Ainsi, si cette loi est adoptée, les individus condamnés à des peines d’emprisonnement seront dorénavant obligatoirement incarcérés.

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