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Certificats de conformité en vertu de l’article 116 : allégement pour les biens exemptés par traité et les biens protégés par traité

Un non-résident du Canada est généralement assujetti à l’impôt en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (Loi) sur tout revenu ou gain réalisé à la disposition de biens canadiens imposables (BCI)1, sauf si le non-résident a droit à une exemption en vertu d’un traité.

Les dispositions de l’article 116 de la Loi sont destinées à s’assurer que le vendeur non résident paie tout impôt sur le revenu découlant de la disposition de BCI. L’article 116 est d’intérêt actuel non seulement en raison de modifications récemment apportées à la Loi qui concernent cet article, mais également compte tenu de l’approche agressive qu’a adoptée l’Agence du revenu du Canada (ARC) à l’égard de la conformité en temps voulu aux exigences prévues par l’article même lorsqu’aucun impôt sous-jacent n’est payable par le vendeur2.

En général, l’article 116 exige, à moins que le vendeur n’ait obtenu de l’ARC le « certificat de conformité » prévu à l’article 116 de l’ARC (qui exige habituellement que le vendeur paie un montant à l’égard de l’impôt qui pourrait être payable), que l’acheteur de BCI d’un vendeur non résident remette une tranche du prix d’achat à l’ARC à l’égard de l’impôt que le vendeur pourrait avoir à payer. La disposition habilite également l’acheteur à déduire ou retenir ce montant du prix d’achat.

Il existe depuis longtemps une exception aux exigences prévues à l’article 116 dans le cas de biens communément appelés « biens exclus ». Des modifications apportées assez récemment à la Loi ont élargi la notion de bien exclu pour y inclure des « biens exemptés par traité » et, lorsque l’acheteur respecte une exigence de préavis, ont prévu une exception supplémentaire applicable à l’acheteur à l’égard de « biens protégés par traité »3.

Étant donné que les dispositions relatives aux « biens protégés par traité » et aux « biens exemptés par traité » de l’article 116 n’ont pas fait l’objet d’un examen approfondi depuis leur adoption, cet article dresse un bref aperçu des dispositions et présente quelques mises en garde4.

Biens exemptés par traité

Comme il est indiqué plus haut, l’article 116 ne s’applique pas lorsqu’un non-résident dispose de biens qui sont des « biens exclus » du non-résident au moment de la disposition5. À compter du 1er janvier 2009, ces biens comprennent les biens qui sont des « biens exemptés par traité » du non-résident6.

Un bien sera un bien exempté par traité du non-résident si7 :

  1. le bien est un « bien protégé par traité » du non-résident. Un bien protégé par traité est défini comme « à un moment donné, bien d’un contribuable dont la disposition par lui à ce moment donne naissance à un revenu ou à un gain qui serait exonéré, par l’effet d’un traité fiscal, de l’impôt prévu à la partie I »;8 et
  2. lorsque l’acheteur et le non-résident sont liés aux fins de la Loi, l’acheteur remet à l’ARC, au plus tard à la date qui tombe 30 jours après la date de l’acquisition, un avis9 indiquant :
    • la date de l’acquisition;
    • les nom et adresse de la personne non résidente;
    • une description suffisamment détaillée du bien;
    • la somme payée ou payable par l’acheteur pour le bien;10 et
    • le nom du pays ayant conclu avec le Canada un traité fiscal en vertu duquel le bien est un bien protégé par traité11.

Puisque les deux conditions résumées plus haut doivent être respectées, le bien ne sera pas un bien exclu en vertu de l’exception visant les biens exemptés par traité si les parties sont liées et l’avis est produit tardivement ou si les parties omettent de produire l’avis. Par ailleurs, un bien pourrait ne pas être un bien exclu si le vendeur n’est pas un résident aux fins du traité visé ou si, contrairement à ce que croient les parties, le traité n’exempte pas la vente de l’imposition canadienne.

Il peut être compliqué d’établir si un bien est un « bien protégé par traité » et les faits nécessaires pour prendre une telle décision peuvent ne pas être connus de l’acheteur ni même du vendeur dans certaines circonstances.

Pour ce qui est de l’obligation de donner un avis, un vendeur et un acheteur pourraient devenir « liés » aux fins de la Loi en raison de droits qui naissent dans le cadre d’une opération d’achat et de vente, exigeant de ce fait qu’un avis soit produit à l’égard du bien pour qu’il soit un bien exempté par traité. Cela serait généralement le cas si tant l’acheteur que le vendeur sont des sociétés et le bien vendu est la participation majoritaire du vendeur dans une société. Dans ce cas, tant le vendeur que l’acheteur seront liés à la société contrôlée et seraient donc liés l’un à l’autre en vertu de l’application du sous-alinéa 251(2)b)(ii), du paragraphe 251(3) et de l’alinéa 251(5)b) de la Loi.

Par conséquent, les contribuables doivent se montrer extrêmement prudents au moment de se fier à la disposition relative aux biens exemptés par traité en tant qu’exception à l’article 116.

Biens protégés par traité lorsqu’un avis est remis à l’ARC

Comme il est indiqué plus haut, une exception relative aux biens protégés par traité peut protéger l’acheteur lorsque les BCI ne sont pas des biens exclus13. Toutefois, pour bénéficier de cette protection, l’acheteur doit produire un avis même si le vendeur et l’acheteur ne sont pas liés aux fins de la Loi.

Cette exception exige que les conditions suivantes soient réunies :

  1. après enquête sérieuse, l’acheteur en vient à la conclusion que la personne non résidente est, aux termes d’un traité fiscal que le Canada a conclu avec un pays donné, un résident de ce pays14;
  2. le bien serait un bien protégé par traité de la personne non résidente si celle-ci était, aux termes du traité visé à l’alinéa qui précède, un résident du pays donné15; et
  3. l’acheteur donne avis à l’ARC relativement à l’acquisition comme il est prévu au point 2 sous la rubrique « Biens exemptés par traité »16.

À l’égard de cette exception :

  1. la protection prévue par la règle d’exonération est accordée à l’acheteur mais non au vendeur;
  2. pour ce qui est de l’« enquête sérieuse » prévue plus haut, l’ARC a déclaré qu’elle acceptera généralement que l’acheteur a fait une enquête sérieuse si la partie D du formulaire T2062C —Avis d’acquisition d’un bien protégé par traité d’un vendeur non résident est remplie par le vendeur ou une déclaration équivalente est obtenue du vendeur17;
  3. la règle d’exonération concerne uniquement la résidence du vendeur (c.-à-d. si le non-résident est, en fait, un résident d’un pays avec lequel un traité a été conclu) et non le statut du bien (c.-à-d. si le bien était un bien protégé par traité de la personne non résidente en supposant que celle-ci était résidente d’un pays donné aux termes du traité fiscal pertinent)18; et
  4. la protection accordée à l’acheteur exige de ce dernier qu’il remette un avis à l’ARC indiquant si le vendeur et l’acheteur sont liés ou non aux fins de la Loi19.

Observations supplémentaires

Les dispositions relatives aux « biens protégés par traité » et aux « biens exemptés par traité » sont des dispositions appréciées; cependant, on ne devrait y avoir recours qu’après avoir effectué un examen minutieux et on ne devrait pas écarter le besoin de faire une analyse conformément à l’article 116 si un gain est jugé être exempté par traité. Par excès de prudence, des acheteurs peuvent insister pour qu’un avis soit produit comme il est prévu plus haut sous la rubrique « Biens exemptés par traité » même si les parties ne sont pas liées aux fins de la Loi et si l’on croit que les biens sont admissibles en tant que « biens exemptés par traité ». Dans certains cas, si l’on doute fortement du droit d’un vendeur à une exemption aux termes d’un traité autrement qu’en raison du statut de résidence du vendeur, un acheteur pourrait souhaiter insister afin que les dispositions usuelles de l’article 116 soient respectées, y compris l’obtention par le vendeur d’un certificat de conformité en vertu de l’article 116.


1 Des changements très importants à ce qui constitue des BCI au sens du paragraphe 248(1) de la Loi ont récemment été adoptés, entrant en vigueur après le 4 mars 2010. Pour la plupart des non-résidents, les BCI aux fins de l’article 116 seront habituellement constitués uniquement des éléments suivants :

  • des biens immeubles ou réels situés au Canada, qu’il s’agisse d’immobilisations ou de biens à porter à l’inventaire;
  • les actions, les participations dans des sociétés de personnes ou les participations dans des fiducies si plus de 50 % de la juste valeur marchande de ces actions, participations dans des sociétés de personnes ou participations dans des fiducies est (ou était à tout moment dans les 60 mois qui précèdent) dérivée directement ou indirectement d’un ou de plusieurs biens immeubles ou réels situés au Canada, des avoirs miniers canadiens, des avoirs forestiers ou des options ou des intérêts sur ces biens; ou
  • des options ou des intérêts sur de tels biens.

2 L’omission de respecter le régime du certificat de conformité relatif à l’article 116 peut exposer aussi bien le vendeur que l’acheteur à des pénalités sévères.

3 Les notions de « bien protégé par traité » et de « bien exempté par traité » sont définies aux paragraphes 248(1) et 116(6.1), respectivement. Les notions ont été introduites à l’égard des dispositions à compter du 1er janvier 2009.

4 Pour un exposé plus détaillé, voir Chris Falk et Stefanie Morand, "Section 116 Clearance Certificates », 2010 British Columbia Tax Conference, (Vancouver: Canadian Tax Foundation, 2010) dont s’inspirent plusieurs des observations faites aux présentes.

5 Paragraphes 116(1), (3), (5), (5.2) et (6).

6 Pour simplifier, les « biens exclus » comprennent également les éléments suivants :

  • des BCI réputés;
  • des biens à porter à l’inventaire d’une entreprise exploitée au Canada, sauf les biens à porter à l’inventaire qui sont des biens immeubles ou réels situés au Canada, des avoirs miniers canadiens ou des avoirs forestiers;
  • des actions inscrites à la cote d’une Bourse reconnue;
  • des participations unitaires d’une fiducie de fonds commun de placement;
  • des obligations, effets, billets, créances hypothécaires ou valeurs semblables; et
  • des options, participations ou intérêts dans de tels biens.

7 Paragraphe 116(6.1).

8 Paragraphe 248(1).

9 L’avis est produit aux termes du paragraphe 116(5.02). Aucun formulaire prescrit n’existe aux fins de cette disposition; toutefois, l’ARC a déclaré que les acheteurs peuvent utiliser le formulaire T2062C, « Avis d’acquisition d’un bien protégé par traité d’un vendeur non-résident ».

10 Dans certains cas, le prix d’achat de biens comportera une composante conditionnelle ou variable qui n’est connue que bien après la date limite de l’avis relatif au paragraphe 116(5.02). Dans de telles circonstances, l’ARC a déclaré qu’elle considérera l’acheteur comme ayant respecté le paragraphe 116(5.02) pour autant que soient réunies les conditions suivantes :

  • l’acheteur produit un avis comme l’exige le paragraphe 116(5.02) dans les délais impartis;
  • le montant indiqué dans l’avis comme étant payé ou payable par l’acheteur comprend une tranche qui est estimative;
  • le fait que le montant indiqué dans l’avis comprend une tranche qui est estimative est indiqué dans l’avis; et
  • si le montant réel payé ou payable se révèle différent du montant estimatif, un avis révisé (ainsi qu’une copie de l’avis initial et une brève explication) doit être produit sans délai par l’acheteur (voir le document de l’ARC no 2009-0347711C6, daté du 8 décembre 2009).

11 Il n’y a pas d’obligation de produire un avis si l’acheteur et le non-résident ne sont pas liés; toutefois, pour les motifs exposés sous la rubrique « Biens protégés par traité lorsqu’un avis est remis à l’ARC », l’acheteur pourrait avoir intérêt à produire l’avis néanmoins.

12 Les avis produits tardivement ne sont pas autorisés. Par conséquent, si l’avis n’est pas produit en temps opportun, les biens ne seraient pas des biens exclus en raison de la disposition relative aux biens exemptés par traité.

13 Paragraphe 116(5.01).

14 Alinéa 116(5.01)a). À l’égard de cette condition, l’ARC a au moins fourni une indication provisoire comme quoi elle est prête à accepter cette procédure à l’égard d’une société à responsabilité limitée (s.r.l.) américaine qui est un conduit aux fins de l’impôt sur le revenu fédéral des États-Unis (et donc une entité qui, de l’avis de l’ARC, ne respecterait pas le critère de résidence), pour autant que tous les membres de la s.r.l. soient des résidents des États-Unis ayant droit de bénéficier de la Convention fiscale entre le Canada et les États-Unis si l’acheteur produit un formulaire T2062C (voir le document de l’ARC no 2009-0317371I7, daté du 16 juillet 2009).

15 Alinéa 116(5.01)b).

16 Alinéa 116(5.01)c). L’avis est produit aux termes du paragraphe 116(5.02).

17 Voir par exemple, la section des renseignements généraux du formulaire T2062C.

18 À la 2009 British Columbia Tax Conference (Questions and CRA Responses, 2009 BCC p 16:10/11), l’ARC a offert une assurance limitée à l’égard du statut des biens, en déclarant ce qui suit :

[traduction] Pour les besoins du statut d’un bien protégé par traité, la législation fiscale n’accorde aucune protection à l’acheteur. Toutefois, l’ARC ne soulèvera généralement pas l’établissement d’une cotisation à l’égard de l’acheteur dans les cas où l’acheteur a tenté de bonne foi d’établir que le bien est en fait protégé par traité. La simple déclaration du vendeur prétendant que le bien est protégé par traité n’est pas suffisante pour démontrer la bonne foi. Par exemple : dans le cas d’actions d’une société canadienne, l’acheteur devrait obtenir une déclaration de la société attestant que la valeur des actions n’est pas principalement dérivée de biens immobiliers ou réels canadiens, d’avoirs miniers canadiens ou d’avoir forestiers. En général, les acheteurs devraient examiner attentivement la convention fiscale applicable ainsi que la section intitulée Bien protégé par traité dans les renseignements généraux fournis sur le formulaire T2062C et suivre les conseils qui y sont formulés.

Nous ne pouvons déclarer que nous ne demanderons jamais l’établissement d’une cotisation à l’égard d’un acheteur dans une situation particulière. Nous examinerons chaque situation au cas par cas.

19 Voir l’exposé sous la rubrique précédente « Biens exemptés par traité ».

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