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Accord Canada–Barbade en matière d’impôt sur le revenu — Nouveau protocole

Le 8 novembre 2011, un nouveau protocole (protocole) amendant l’accord Canada-Barbade en matière d’impôt sur le revenu (Traité) a été signé par les deux pays, mettant à jour le Traité pour se conformer aux conventions fiscales actuelles et pour se conformer à l’engagement du Canada visant à promouvoir l’échange de renseignements fiscaux conformément aux normes de l’OCDE1. En prenant pour acquis que chacun des pays ratifie le protocole en 2012, comme prévu, la plupart de ses dispositions prendront effet le 1er janvier 2013, sous réserve de dispositions spécifiques portant sur l’entrée en vigueur.

Le présent article discute de certains des changements proposés au Traité.

Sociétés d’affaires internationales et entités similaires

Les sociétés d’affaires internationales (SAI) et certaines autres entités de la Barbade ayant droit à des avantages fiscaux spéciaux2 sont complètement exclues du Traité3, de sorte qu’elles n’ont actuellement pas droit aux avantages du Traité. De récentes causes canadiennes ont confirmé que le délai de prescription de cinq ans prévu au paragraphe 3 de l’article XI et au paragraphe 3 de l’article XXVII du Traité pour de nouvelles cotisations par l’Agence du revenu du Canada (ARC) ne s’appliquait pas à une SAI, au motif qu’aucune partie du Traité ne s’appliquait aux SAI4.

Le protocole envisage élargir la portée du Traité aux SAI ou aux autres entités ayant droit à des avantages fiscaux spéciaux, bien que la portée élargie soit expressément limitée5. Les SAI et les autres entités ayant droit à des avantages fiscaux spéciaux n’ont pas droit aux avantages prévus aux articles VI à XXIV (par exemple, les revenus tirés de biens immobiliers, les revenus d’entreprise, les dividendes, les intérêts, les redevances et les gains). Par exemple, les dividendes qu’un résident canadien verse à une SAI demeureraient assujettis à une retenue d’impôt de 25 % conformément aux règles fiscales internes canadiennes6.

Toutefois, une SAI sera en mesure de bénéficier des autres dispositions du Traité, plus particulièrement des nouvelles règles relatives à la résidence examinées plus amplement dans le présent document, le délai de prescription de cinq ans pour les nouvelles cotisations7 et la procédure amiable8. Au même moment, les SAI seront assujetties aux nouvelles règles sur l’échange de renseignements9.

L’élargissement de la portée de certains des avantages du Traité afin qu’ils s’appliquent aux SAI et à des entités similaires accroîtra probablement leur utilisation par des sociétés canadiennes dans leurs structures de sociétés étrangères affiliées et autres structures transfrontalières.

Résidence

À la lumière des décisions canadiennes récentes en matière fiscale, telles que Fiducie familiale Garron c. La Reine10, Antle c. La Reine11 et Sommerer c. La Reine12, il semble que l’ARC ait davantage tendance à contester la résidence fiscale de fiducies et d’autres entités étrangères afin qu’elles soient considérées être des résidentes du Canada aux fins de l’impôt. Dans de telles circonstances, les conventions fiscales sont particulièrement importantes afin de s’assurer que les entités ne soient pas assujetties à une double imposition dans les cas où deux pays prétendent que l’entité est résidente de leur pays aux fins de l’impôt.

À l’heure actuelle, les différends entre le Canada et la Barbade concernant la résidence de personnes sont réglés en vertu de la procédure amiable13. Le protocole envisage une nouvelle règle de bris d’égalité pour déterminer la résidence d’une société14, sans avoir recours à la procédure amiable. Plus précisément, si une société est un « national » d’un État contractant et qu’en raison du paragraphe 1 de l’article IV, elle est résidente des deux États contractants, elle ne sera imputée être résidente que du premier État contractant15. Un « national » est défini comme « toute personne morale, société de personnes et association constituées conformément à la législation en vigueur dans un État contractant16». Ainsi, par exemple, si une SAI était considérée comme une résidente de la Barbade en vertu des lois fiscales de la Barbade, elle aurait le droit de se prévaloir de cette disposition si l’ARC devait alléguer qu’elle est également une résidente du Canada17.

Il est entendu que les règles fiscales de la Barbade ne considèrent pas une société de la Barbade comme une résidente de la Barbade, contrairement aux règles fiscales canadiennes18. Par conséquent, encore faut-il qu’une société de la Barbade établisse sa résidence fiscale en Barbade en vertu du critère de common law du siège de direction ou de gestion et de contrôle central. Malgré cette obligation, l’ajout de la règle de bris d’égalité des sociétés dans le Traité procurera davantage de certitude.

Dans le contexte des multinationales canadiennes, la Barbade est un territoire couramment utilisé principalement pour une société de portefeuille ou un véhicule de financement d’entreprises exploitées dans d’autres pays. En général, une société étrangère affiliée à une société canadienne ne jouit pas des règles du « surplus exonéré » à moins que l’entité affiliée ne soit résidente d’un autre pays aux fins d’une convention fiscale entre ce pays et le Canada19. Même si cette règle excluait normalement les SAI, les sociétés d’assurance exemptées (SAE) et les entités similaires, puisqu’elles sont expressément exclues de l’avantage du Traité20, il est possible de se prévaloir de droits acquis tant que la disposition du Traité qui les exclut n’a pas été modifiée21. Tel que discuté précédemment, le protocole modifie cette disposition, toutefois, l’effet conjugué de cette modification et de la règle de bris d’égalité de la résidence des sociétés à pour effet de faire en sorte que ces entités n’ont plus à se prévaloir de droits acquis pour jouir des avantages aux termes du Traité.

Investissements canadiens faits par l’entremise de la Barbade

En plus d’être une juridiction couramment utilisée dans des structures transfrontalières canadiennes, la Barbade est une juridiction populaire qu’emploient des non-résidents lorsqu’ils investissent au Canada, en particulier dans les ressources naturelles et des biens immobiliers canadiens. En vertu des règles fiscales canadiennes22, les non-résidents du Canada ne sont en général assujettis à l’impôt canadien sur les gains en capital que lorsqu’ils disposent des « biens canadiens imposables23 » (BCI). De récentes modifications ont considérablement réduit les types de biens qui sont visés par la définition de BCI24. Plus particulièrement, les actions non inscrites à la cote d’une bourse de valeur désignée de la plupart des sociétés ou les participations dans une société de personnes ou fiducie constitueront des BCI à un moment donné uniquement si, au cours de la période de 60 mois qui précède, plus de 50 % de leur juste valeur marchande était dérivée directement ou indirectement d’une combinaison de biens immobiliers situés au Canada, d’avoirs miniers canadiens, d’avoirs forestiers et d’options, de participations ou de droits civils s’y trouvant25.

Cette définition des BCI est compatible avec le principe fiscal international général voulant que le pays dans lequel un bien immobilier est situé devrait avoir le droit d’imposer les gains réalisés à la disposition d’un tel bien26. Par exemple, le modèle de convention fiscale de l’OCDE prévoit que les gains « qu’un résident d’un État contractant tire par l’aliénation d’actions qui tirent directement ou indirectement plus de 50 % de leur valeur de biens immobiliers » situés dans un pays peuvent être imposés dans ce pays27.

Diverses conventions fiscales existantes entre le Canada et d’autres pays prévoient un traitement plus avantageux que la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) pour les non-résidents. Plus particulièrement, aux termes du paragraphe 3 de l’article XIV du Traité, le Canada peut imposer les gains provenant de l’aliénation d’actions d’une société ou d’une participation dans une société de personnes ou une fiducie, « dont les biens constituent principalement des biens immobiliers » situés au Canada28. Ce libellé est identique à celui que l’on retrouve dans la Convention fiscale entre le Canada et l'Israël, que l’ARC a examinée dans une récente interprétation où une société israélienne était propriétaire de toutes les actions ordinaires d’une société de portefeuille canadienne qui était, quant à elle, propriétaire des actions de filiales canadiennes détenant des biens immobiliers situés au Canada. La position de l’ARC est à l’effet que lorsque les mots « actions d’une société dont les biens sont constitués principalement de biens immobiliers » sont utilisés dans une convention fiscale, le non-résident ne sera pas assujetti à l’impôt au Canada si le non-résident dispose d’actions d’une société de portefeuille dont l’actif se compose d’actions d’autres sociétés (en tenant compte uniquement de l’actif détenu directement par la société). L’ARC mentionnait que le ministère des Finances a été informé de cette interprétation et a changé l’expression utilisée dans le modèle canadien de convention fiscale pour « tirée principalement ». L’ARC a de plus fait les observations suivantes :

[traduction] Puisque les modèles de convention des Nations Unies et de l’OCDE n’utilisent pas le même libellé que la convention entre le Canada et Israël, l’interprétation de l’expression utilisée dans ces modèles peut être différente. Le modèle de l’OCDE utilise l’expression « qui tirent directement ou indirectement plus de 50 % de leur valeur » que nous considérons comme plus large que « sont constitués principalement ». L’expression « qui sont constitués directement ou indirectement » est l’expression que les Nations Unies ont privilégiée pour l’article 13 tel qu’il est indiqué dans le Manuel de négociation des conventions fiscales bilatérales et c’est une autre expression que nous considérons comme plus large que « sont constitués principalement ».

Certains résidents de la Barbade qui, aux fins de l’impôt, ont utilisé une société de portefeuille, une fiducie ou une société de personnes pour détenir des investissements canadiens dans des biens immobiliers et des avoirs miniers se sont appuyés sur la différence du libellé du paragraphe 3 de l’article XIV du Traité par rapport à la définition de BCI afin de ne pas être assujettis à l’imposition canadienne lors de la vente des actions de la société de portefeuille ou des participations dans la société de personnes ou la fiducie.

Le changement qu’envisage le protocole rend le libellé de l’article XIV conforme à celui du modèle de convention de l’OCDE. Tel que mentionné précédemment, le Traité élargissait déjà la règle prévue dans le modèle de convention de l’OCDE afin qu’elle s’applique aux participations dans les sociétés de personnes et les fiducies, ce qui a été également maintenu dans le protocole. Le protocole ne prévoit aucun droit acquis pour les structures de détention ou gains accumulés existants.

À la lumière des changements apportés au paragraphe 3 de l’article XIV, les non-résidents détenant des investissements canadiens par l’entremise d’une entité de la Barbade auraient avantage à envisager la restructuration de leur détention afin de minimiser l’impôt canadien sur l’aliénation de biens « indirectement situés » au Canada. Parmi les stratégies à envisager, on compte : l’aliénation des investissements que détient l’entité de la Barbade pour augmenter leur coût aux fins de l’impôt et protéger les gains accumulés; la modification de la composition de l’actif pour que la valeur ne soit plus tirée « principalement » de biens immobiliers ou d’avoirs miniers canadiens; le changement de résidence fiscale de l’entité de la Barbade en déménageant son siège de direction ou en migrant vers un pays qui est doté d’une convention fiscale avantageuse; et l’interposition d’une entité intermédiaire qui est une résidente aux fins de l’impôt d’un autre pays doté d’une convention fiscale avantageuse. Le recours à la Convention fiscale entre le Canada et l'Israël, dont le libellé s’apparente à celui du Traité, n’est sans doute pas une option, puisque le ministère des Finances a récemment annoncé que des négociations pour mettre à jour la Convention fiscale entre le Canada et l'Israël commenceront en janvier 201229.Les règles anti-évitement et le chalandage fiscal sont généralement des éléments à considérer lors de toute planification30. L’évolution récente dans d’autres pays, comme en font état la cause fiscale indienne de Vodaphone International Holdings BV31 et d’autres causes semblables, est également à retenir.


1 Organisation de coopération et de développement économiques.

2 Les autres entités comprennent des sociétés d’assurance exemptées (SAE). Prendre acte que le paragraphe 2 de l’article 5 du protocole prévoit que d’autres entités peuvent être ajoutées à la liste par les deux pays au moyen d’un échange de notes.

3 Paragraphe 3 de l’article XXX du Traité.

4 Voir Sundog Distributing Inc. v. The Queen, [2010] 6 C.T.C. 2151 (TCC) et Alberta Printed Circuits Ltd. v. The Queen, [2011] 5 C.T.C. 2001 (TCC) pour des exposés sur la portée et l’effet du paragraphe 3 de l’article XXX du Traité.

5 Version modifiée du paragraphe 3 de l’article XXX du Traité, contenue à l’article 5 du protocole.

6Loi de l'impôt sur le revenu, dans sa version modifiée.

7 Paragraphe 3 de l’article XXVII du Traité.

8 Article XXVII du Traité.

9 Article XXVIII du Traité, dans sa version modifiée envisagée par l’article 4 du protocole.

10 [2011] 2 C.T.C. 7 (FCA), appel à la CSC devant être entendu le 13 mars 2012.

11 2010 D.T.C. 5172, 413 N.R. 128 (FCA).

12 [2011] 4 C.T.C. 2068 (TCC).

13 Voir le paragraphe 3 de l’article IV du Traité. Le paragraphe 2 de l’article IV renferme certaines règles de départage pour déterminer la résidence fiscale des particuliers, le dernier recours étant la procédure amiable.

14 Définie à l’alinéa (d) du paragraphe 1 de l’article III du Traité comme signifiant toute personne morale ou toute entité qui est considérée comme une personne morale aux fins d’imposition.

15 Article I du protocole.

16 Alinéa (h) du paragraphe 1 de l’article III du Traité.

17 Voir l’exposé dans Garron, supra note 10, relativement au Traité.

18 Voir le paragraphe 250(4) de la LIR.

19 Règlement 5907(11.2)a) de la LIR.

20 En vertu du paragraphe 3 de l’article XXX du Traité.

21 Règlement 5907(11.2)c) de la LIR.

22 Paragraphe 2(3) de la LIR.

23 Définie au paragraphe 248(1) de la LIR.

24 Propositions du budget du 4 mars 2010, adoptées le 12 juillet 2010.

25 Alinéa (d) de la définition de BCI au paragraphe 248(1) de la LIR.

26 Les notes afférentes au budget du 4 mars 2010 indiquent que les modifications apportées à la définition des BCI visaient en partie à rendre les règles nationales plus conformes aux conventions fiscales du Canada.

27 Paragraphe 4 de l’article 13 du Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune (Paris : OCDE, 2010).

28 CRA Views, 2008-030441I7, daté du 23 mars 2009.

29 Voir l’annonce du ministère des Finances datée du 2 décembre 2011.

30 Voir la règle générale anti-évitement à l’article 245 de la LIR. Prendre acte que l’ARC envisagera l’application de cette règle s’il est évident qu’une structure a été mise en place pour tenter d’obtenir un allègement fiscal en vertu d’une convention fiscale. Voir supra note 28.

31 La décision de la Cour suprême de l’Inde quant à l’appel d’une décision de septembre 2010 de la Cour supérieure de Bombay est attendue d’un moment à l’autre.

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