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L'avenir des droits à l'ère des mouvements de prise de conscience : un regard sur le harcèlement

Par Diana Gueorguieva et Hana Azzouz, Université de Montréal, avec la collaboration du Comité Jeunes Auteurs

C’est dans le but d’assurer la sauvegarde des droits et libertés canadiens que l’appareil législatif est en constante réaction aux enjeux sociétaux. Avec l'avènement récent du mouvement #MeToo sur les réseaux sociaux, d’innombrables personnes ont brisé leur silence pour dénoncer les cas de harcèlement et d’agressions sexuelles dont elles ont été victimes.

Nous exposerons brièvement la protection en matière de harcèlement sexuel qu’offre la législation actuelle, pour ensuite exposer nos réflexions sur l’obligation qu’ont les employeurs d’assurer un milieu de travail exempt de harcèlement.

Avant tout, il importe de souligner que le législateur avait déjà, en 2004, adressé la question du harcèlement sexuel, avec la mise en place de la Loi sur les normes du travail relatives au harcèlement psychologique. Cette loi protège le justiciable contre le harcèlement psychologique en contexte professionnel. Cette protection s’étend aux cas de harcèlement sexuel comme le préciste la décision Guillaume St-Hilaire-Gravel c. 9165-8526 Québec inc.[1].

L’article 81.18 de cette Loi décrit le harcèlement psychologique comme étant « une conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne, pour celui-ci, un milieu de travail néfaste. » Par ailleurs, l’article 81.20 de cette même loi consacre quant à lui le droit à un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique.  

L’objet des lois régissant le droit du travail est avant tout de supprimer l’acte de harcèlement tout en offrant des recours adéquats aux victimes[2]. Toutefois, il ne peut être nié que la complexité des intérêts en cause ne rend pas cette tâche aisée. Malgré que des normes législatives existent déjà pour baliser la conduite en milieu de travail, le harcèlement demeure pour plusieurs raisons un secret bien gardé dans certaines cultures corporatives.

À cet égard, les données recueillies par la firme Angus Reid en 2014 sont éclairantes :   80 % des victimes auraient gardé le silence de peur de représailles, dégradation de la situation, perte d’emploi ou crainte de ne pas être prises au sérieux.  L’essence du problème n’est pas qu’exclusivement juridique : la réticence ou la crainte légitime d’affirmer ses droits en milieu de travail, s’ajoutent au problème, selon des motivations autant sociologiques qu’économiques. La méfiance des employés à l’égard du processus de dénonciation, dans un contexte d’autorité peuvent constituer des obstacles internes à l’éventuelle dénonciation. 

La jurisprudence du plus haut tribunal au pays reconnait le harcèlement sexuel comme étant un acte illicite de discrimination[3], la personne bénéficiant alors d’une protection de nature quasi-constitutionnelle[4] à l’égard du harcèlement sexuel.

Qui plus est, l’arrêt Robichaud[5] a aussi établi le principe selon lequel un employeur répond des actes illicites de ses employés en matière d’atteinte de droit de la personne. À cet égard, l’importance de la proactivité de l’employeur ne fait pas de doute. L’employeur est investi d’une obligation positive, en droit, d’assureur un milieu de travail sain.

Afin de susciter des changements, la collaboration de différents acteurs s’impose. Nous croyons ainsi que la première étape est celle de la sensibilisation. Il s’agit de s’attaquer à la base de ce problème, à sa source, plutôt que de tenter d’y pallier par la suite seulement avec des mécanismes difficilement pour plusieurs. Victor Hugo ne disait-il pas que la réelle liberté commence là où l’ignorance finit? Mettre fin à l’ignorance du phénomène somme toute prévalant qu’est le harcèlement permettra aux victimes de réaliser qu’elles ne sont pas les seules.

 

[1] [2008] C.R.T., Québec, 0364

[2] O'Malley c. Simpsons-Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536

[3] Janzen c. Platy Enterprises Ltd., [1989] 1 R.C.S. 1252. : Dans cet arrêt important, la Cour suprême du Canada a affirmé que le harcèlement sexuel constitue de la discrimination sexuelle.

[4] Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q., c. C-12, art. 10(1).

[5] Robichaud c. Canada (Conseil du trésor), [1987] 2 R.C.S.

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