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COVID-19 : Les réponses aux enjeux engendrés par la crise actuelle et les différentes options de restructuration à votre disposition

Jamais dans l’histoire les entreprises de toutes tailles et de pratiquement toutes les industries n’ont affronté une crise résultant à la fois d’un tarissement des sources d’approvisionnement et de la demande de façon simultanée. La crise de liquidités qui en découle engendre une insécurité omniprésente au sein des gestionnaires des entreprises et de l’ensemble des parties intéressées de celles-ci, incluant leurs employés, actionnaires, clients, fournisseurs, créanciers et les communautés dans lesquelles les entreprises opèrent. 

Les mesures gouvernementales annoncées à ce jour atténueront temporairement l’impact en facilitant, pour certains, l’accès au crédit , alors que pour d’autres ces mesures seront insuffisantes pour amortir le choc.

Quoi faire et quelles sont les avenues pour les entreprises qui ne souhaitent pas ajouter de dettes ou ceux qui n’ont simplement pas accès à des liquidités ? Voici à vol d’oiseau quelques options qui s’offrent à vous et que nous pourrions ensemble explorer et élaborer au moment que vous jugerez opportun.

Une restructuration informelle par des ententes avec les créanciers

Lorsqu’une entreprise est aux prises avec des difficultés financières ou des problèmes de liquidités à court terme, celle-ci peut recourir à certaines mesures à titre d’alternative à un processus de restructuration formel, ou avant l’initiation d’un tel processus.

L’entreprise peut conclure une convention d’atermoiement avec un ou plusieurs de ses créanciers, lui permettant d’obtenir un délai de grâce durant lequel le créancier accepte de tolérer certains défauts et/ou d’accorder des moratoires de paiements, et de suspendre l’exécution de ses droits et recours. En contrepartie, l’entreprise s’engage à respecter certaines conditions, par exemple consentir une garantie additionnelle, mettre en place un plan de redressement, vendre des actifs non essentiels, ou tenter de conclure une transaction afin d’améliorer sa situation financière.

Selon les contextes, deux obstacles peuvent se présenter aux entreprises tentant une restructuration informelle. D’une part, plusieurs outils de restructurations faisant partie d’un processus formel ne sont pas disponibles, comme la possibilité d’accorder une sûreté de rang prioritaire à un prêteur temporaire, la suspension des procédures ou la résiliation de baux et autres contrats. D’autre part, afin de réussir une restructuration informelle, l’entreprise doit obtenir le consentement de tous ou presque tous ses créanciers, ce qui peut être difficile, voire parfois impossible.

La restructuration formelle : les lois fédérales sur l’insolvabilité au secours des entreprises en détresse

Au Canada, deux principaux régimes d'insolvabilité sont disponibles pour les entreprises en difficulté financière. En raison de sa souplesse, le régime canadien le plus couramment utilisé pour les grandes entreprises ou pour les restructurations complexes est la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (la « LACC »). Le régime de la LACC est réservé aux entreprises ayant plus de 5 millions de dollars de dettes. D’autres entreprises ayant moins de 5 millions de dollars de dettes ou des restructurations moins complexes peuvent avoir recours au régime de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (la « LFI »). Dans ces deux régimes tout de même semblables, l’objectif ultime est d’en arriver à une entente, nommée arrangement ou proposition respectivement, avec les créanciers afin de permettre la continuité de l’entreprise et compromettre ou rééchelonner le remboursement du passif actuel. Cela peut se mettre en œuvre à l’aide d’un investissement supplémentaire, de la vente d’actifs non essentiels ou non rentables, en utilisant les profits futurs, ou une combinaison de ces options.

Dans le cadre des processus formels de restructuration en vertu de la LFI et de la LACC, l’entreprise demeure en contrôle de ses biens et poursuit ses activités (« debtor-in-possession ») accompagnée par ailleurs par un professionnel de la restructuration responsable de superviser le processus, soit un contrôleur (LACC) ou un syndic (LFI).

La LACC et la LFI offrent un éventail d’outils aux entreprises afin de leur permettre de restructurer leurs finances et leurs opérations et favoriser l’émergence du processus de restructuration

Les outils mis à la disposition des entreprises par la LACC et la LFI sont nombreux et favorisent la restructuration opérationnelle et financière de celles-ci. Ces outils, qui peuvent être ordonnés par le tribunal dans les dossiers appropriés, incluent:

  • La suspension des procédures empêchant les créanciers de prendre des mesures contre l’entreprise ou ses biens;
  • La possibilité de sécuriser un financement non traditionnel de prêteurs existants ou spécialisés. Puisque le tribunal peut accorder une garantie de rang prioritaire aux prêteurs existants, il devient moins complexe de sécuriser un financement;
  • L’interdiction à qui que ce soit de mettre un terme à une entente ou de la modifier au seul motif de non-paiement ou de l’initiation du processus de restructuration;
  • Le pouvoir de résilier des contrats non profitables et donc de mettre un terme à toutes les obligations futures qui affectent négativement la rentabilité d’une entreprise. À titre d’exemple, une entreprise pourrait résilier un ou plusieurs baux;
  • La possibilité de demander au tribunal d’accorder aux membres du conseil d’administration une charge prioritaire pour garantir certaines obligations dont ils peuvent être personnellement responsables, afin qu'ils puissent se concentrer sur la restructuration. En outre, un processus formel peut apporter une tranquillité d'esprit aux administrateurs en ce que les décisions difficiles qui pourraient les exposer à des réclamations ou engendrer leur responsabilité en dehors d'un processus sont supervisées par un officier de justice et soumises à l'approbation du tribunal après notification aux parties intéressées ;
  • La possibilité de payer certains fournisseurs clés pour des montants encourus avant le processus afin d'assurer la continuité de l'approvisionnement, même lorsque la majorité des créanciers ne sont pas payés pour les factures antérieures à l'initiation du processus;
  • La possibilité de demander au tribunal de contraindre un fournisseur essentiel à vos activités de continuer à livrer les biens et fournir des services aux conditions que le tribunal détermine;
  • Dans l’éventualité où la vente de certains actifs est requise afin de réduire les dépenses, financer la restructuration ou en présence d’éléments d’actif non essentiels, la possibilité de faire entériner la vente par le tribunal , ce qui peut rassurer l’acheteur et d’autoriser la vente libre de toutes garanties, et ce, sans qu’il soit nécessaire d’obtenir l'approbation des actionnaires ou des créanciers;
  • La possibilité de céder des contrats sans la nécessité d’obtenir le consentement préalable de l’autre partie au contrat;
  • Lorsqu’une recapitalisation est nécessaire, la possibilité de modifier la structure du capital-actions de l’entreprise au bénéfice du nouvel investisseur.

L’initiation du processus de restructuration

Un processus en vertu de la LACC est initié avec l’émission d’une ordonnance initiale par le tribunal sur demande. Un processus en vertu de la LFI débute administrativement par le dépôt d’un Avis d’intention de déposer une proposition aux créanciers avec l’aide d’un syndic.

L’initiation d’un processus formel résulte en une suspension des procédures et une limitation des droits tel que discuté ci-dessus. Cela signifie, d’une part, que les créanciers ne peuvent intenter ou continuer des actions, exécutions ou autres procédures à l’encontre de l’entreprise ou de ses biens et, d’autre part, que les cocontractants ne peuvent résilier ou modifier un contrat ou se prévaloir d’une clause de déchéance du terme en raison de l’insolvabilité ou de l’initiation du processus de restructuration.

Une entreprise qui initie un processus de restructuration formel est tenue d’acquitter les obligations qui prennent naissance postérieurement à l’initiation du processus. Ainsi, l’entreprise devra payer dans le cours normal des affaires pour les biens livrés et les services rendus postérieurement à l’initiation du processus. Ces obligations ne pourront être éteintes aux termes de l’arrangement (LACC) ou de la proposition (LFI).

La suspension des procédures est initialement pour une période de 10 jours (LACC) et 30 jours (LFI). Elle peut être prolongée par le tribunal pour un maximum de 45 jours pour chaque prorogation dans le cadre d’un processus en vertu de la LFI, et ce, pour un maximum de cinq mois de prorogation au total. En vertu de la LACC, il n’existe aucune durée maximale des prorogations ou du processus de restructuration.

L’émergence du processus de restructuration

L’entreprise peut déposer un arrangement (LACC) ou une proposition (LFI) et convoquer une assemblée des créanciers. Les créanciers sont divisés par catégories et votent sur l’arrangement ou la proposition. Chaque catégorie de créanciers doit approuver l’arrangement ou la proposition en vertu d’une « double majorité » :

  • Plus de 50% en nombre de créanciers votants;
  • Représentant au moins 2/3 de la valeur des réclamations des créanciers votants.

Si l’arrangement ou la proposition est accepté par la double majorité, il est soumis pour approbation au tribunal. Cela signifie que, sous réserve de l’accomplissement des obligations de l’entreprise aux termes de l’arrangement ou de la proposition, toutes les dettes et obligations de l’entreprise antérieures à l’initiation du processus ou découlant de la résiliation de contrats dans le cadre du processus sont éteintes.

Conclusion

En prenant le temps de bien comprendre les différentes options de restructuration disponibles, les femmes et hommes d’affaires qui tiennent le gouvernail d’entreprises en difficulté pourront mettre à profit les différents mécanismes disponibles. Les changements importants dans l'économie mènent inévitablement à des changements importants dans les relations d'affaires – et considérant la nature généralisée des enjeux actuels tout stigma anciennement associé à des processus de restructuration a été atténué. Dans le contexte actuel, les processus de restructuration, brièvement survolés ici, seront indubitablement des outils populaires et importants dans de nombreuses situations causées par l’immense choc économique actuel.

Nous vous invitons à communiquer avec l’un de nos professionnels de la restructuration afin d’obtenir plus de détails concernant les processus de restructuration.

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