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Cadre réglementaire proposé pour les agences de notation

Bien que les agences de notation ne fassent pas à l’heure actuelle l’objet d’une surveillance formelle de la part des autorités de réglementation en valeurs mobilières au Canada, elles jouent tout de même un rôle important dans la législation canadienne en valeurs mobilières. Si des titres de créance à court terme reçoivent une note appropriée d’une « agence de notation agréée », ils peuvent être placés auprès d’investisseurs individuels aux termes d’une dispense des exigences de prospectus et constituent des placements admissibles pour les fonds du marché monétaire, alors que les titres de créance de différentes échéances peuvent être placés par voie de prospectus simplifié (y compris des prospectus préalables). Aux termes des règlements canadiens sur les prospectus si les titres offerts ont reçu une note d’une agence de notation agréée (et il est de pratique courante d’obtenir une telle note pour un placement de titres de créance et d’actions privilégiées) une note de crédit (et certains renseignements connexes) doit être divulguée dans le prospectus.

La crédibilité des agences de notation (Fitch, Moody’s, S&P et, au Canada, DBRS) a passablement été ébranlée par la récente crise du crédit alors qu’un grand nombre d’« actifs toxiques » (titres adossés à des obligations synthétiques liés à des prêts hypothécaires à risque élevé et autres produits du même acabit) qui se sont retrouvés sur les bilans d’institutions financières dans le monde entier avaient été hautement notés par les agences de notation. Sans parler des titres du marché du papier commercial non bancaire adossé à des actifs du Canada qui ont été complètement bloqués en 2007. Il n’est donc pas étonnant que les autorités en valeurs mobilières du Canada et leurs homologues aux États-Unis et en Europe jettent un nouveau regard sur le rôle joué par les agences de notation sur les marchés des capitaux et sur la manière dont ces agences devraient être réglementées.

En octobre 2008, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont publié un document de consultation qui proposait de mettre sur pied un cadre réglementaire pour les agences de notation. Les ACVM ont depuis publié pour consultation un projet de règlement intitulé Règlement 25-101 sur les agences de notation désignées (le projet de règlement) — disponible en anglais seulement — qui vise à instaurer un cadre de surveillance réglementaire des agences de notation. La période de consultation prend fin le 25 octobre 2010.

Le projet de règlement

Aux termes du projet de règlement, les agences de notation devront faire une demande d’inscription à titre d’« agences de notation désignées », un concept qui remplacerait éventuellement le concept d’« agence de notation agréée » qui figure à l’heure actuelle dans la législation canadienne en valeurs mobilières. La demande se fera au moyen du dépôt d’un formulaire 25-101A1, dûment rempli qui devra également être déposé annuellement dans les 90 jours de la fin de l’exercice de l’agence de notation désignée.

Chaque agence de notation désignée serait tenue de mettre sur pied, de maintenir et de faire respecter un « code de conduite » dont les modalités sont essentiellement identiques au target=_blank>Code of Conduct Fundamentals for Credit Rating Agencies de l’Organisation internationale des commissions de valeurs (le code de l’OICV) — disponible en anglais seulement —. En fonction du principe de « se conformer ou expliquer », le code de conduite pourrait s’éloigner des dispositions du code de l’OICV mais uniquement s’il indique la manière dont il s’en éloigne et la manière dont il atteindra tout de même l’objectif des dispositions du code de l’OICV.

Le code de conduite d’une agence de notation désignée devrait être affiché « bien en évidence » sur son site Web et aucune renonciation à une disposition du code de l’OICV ne pourrait être autorisée.

Le projet de règlement impose des exigences spécifiques supplémentaires aux agences de notation désignées, notamment l’exigence voulant que les agences de notation désignées aient en place des politiques et procédures pour reconnaître et gérer les conflits d’intérêts et pour empêcher l’utilisation abusive d’information ou la diffusion de certaines informations non publiques importantes, qu’elles s’abstiennent de donner ou de maintenir une note de crédit en cas de conflit d’intérêts spécifique et qu’elles nomment un responsable de la conformité pour surveiller et évaluer la conformité de l’agence à son code de conduite.

Le projet de règlement apporte des modifications corrélatives à la forme du prospectus, exigeant une divulgation accrue lorsque l’un des titres (et non seulement les titres offerts aux termes du prospectus) d’un émetteur a reçu une note de crédit d’une agence de notation, notamment la divulgation du montant de tout paiement que l’émetteur a versé à l’agence de notation à l’égard de la note ou de tout autre service fourni par l’agence de notation à l’émetteur au cours des deux années précédentes.

Les agences de notation en tant qu’« experts » aux fins de la responsabilité civile

Tel qu’il est indiqué ci-dessus, les émetteurs doivent divulguer les notes de crédit qu’ils ont reçues d’une agence de notation lorsqu’ils placent des titres auprès du public au moyen d’un prospectus. De façon concomitante au dépôt du prospectus définitif, les émetteurs doivent déposer le consentement d’un « expert » nommé dans le prospectus qui a préparé ou attesté un rapport, une évaluation, une déclaration ou un avis auquel il est fait renvoi dans le prospectus, un tel expert assumant la responsabilité civile de l’avis en question.

À l’heure actuelle, les ACVM ne considèrent pas les agences de notation comme étant des « experts » à ces fins. Toutefois, dans leur demande de commentaires sur le projet de règlement, ils ont spécifiquement demandé des commentaires pour savoir si cette situation était encore appropriée. Compte tenu de la récente annulation aux États-Unis, en vertu de la loi intitulée Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act, de la règle1 prévoyant que les agences de notation ne seraient pas considérées comme des « experts » à des fins de déclaration d’inscription, il sera intéressant de voir quelle position adopteront les ACVM sur cette question.2


1 La Rule 436(g) de la loi des États-Unis intitulée Securities Exchange Act of 1934 a été abrogée avec prise d’effet le 22 juillet 2010. Certaines agences de notation ont déjà indiqué qu’elles sont actuellement réticentes à remettre leur consentement relativement aux notes de crédit auxquelles il est fait renvoi dans les prospectus.

2 Veuillez prendre note qu’aux fins de la responsabilité civile à l’égard de la divulgation sur le marché secondaire, tel que dans les notices annuelles, la législation canadienne en valeurs mobilières exclut expressément à l’heure actuelle les agences de notation de la définition d’« expert ».

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